Le tribulum est un instrument agricole attesté par l’archéologie et l’iconographie au Proche-Orient à partir du 4ème / 3ème millénaire avant notre ère. Cet instrument et son utilisation plonge probablement ses racines bien plus tôt dans le Néolithique.
C’est l’analyse des traces d'usures visibles sur un certain type de lames de silex qui a permis de faire le rapprochement avec des exemples ethnographiques bien documentés (Balkans, Anatolie, Maghreb, Grèce ou Espagne).
Lames de tribulum découvertes à Kutan, région de Mossoul (Irak), début du 3ème millénaire avant notre ère. D'après P. Anderson.
Figuration de l'utilisation d'un tribulum sur un sceau cylindre, Arslantepe (Turquie), 4ème millénaire avant notre ère. Illustration Wikipédia.
Il s’agit d’un traîneau de bois équipé sur sa face active de segments de lames de silex. Il est généralement tiré par un ou plusieurs animaux (cheval, âne ou bœuf) sur une grande aire de battage circulaire. Le passage répété du traîneau et le piétinement continu des animaux de trait permet, en quelques heures, de hacher les tiges et de libérer les céréales de leur enveloppe.
Ré-utilisation d'un tribulum en porte, à Urueña (Espagne, région de Valladolid) et détail des armatures en silex. Clichés Wikipédia.
Utilisation d'un tribulum en Cantabrie (Espagne) en 1966. Cliché E.J. Dumay, Wikipédia.
Dans le cadre de la Fête des Moissons, organisée par le Département du Val-de-Marne à Vitry-sur-Seine, nous avons pu présenter en démonstration l’utilisation d’une réplique de tribulum, fortement inspirées des travaux expérimentaux menés depuis plusieurs années par une équipe d’archéologues sous la tutelle de Patricia Anderson directrice de recherche au CEPAM (CMRS-UMR 7264) à Nice.
Nous revenons ici en images sur les principaux temps de la fabrication et de l'utilisation d'un tribulum expérimental.
Perches de saule écorcées, rainurées et groupées par paire ligaturées pour constituer l'armature du traîneau.
Les perches ont été cintrées au feu et grossièrement assemblées avant le montage final.
Le bâti en bois du traineau est terminé, reste à insérer les lames qui viendront se loger en dessous, entre les perches.
Les lames, taillées par pression au levier, sont triées et disposées sous le traîneau.
Elles sont fixées à l'aide d'une colle composée de cire d'abeille, de résine de pin et de charbon pilé. Les lames archéologiques évoquées plus haut dans l'article étaient fixées à l'aide de bitume, substance naturelle accessible dans l'environnement du Proche-Orient.
Le tribulum après le collage mais avant le nettoyage !
Le tribulum en cours d'utilisation.
Détail sur une lame de silex après utilisation et sur l'état des céréales en fin de travail.
un petit calcul du temps de fabrication du tribulum :
- récolte/écorçage et préparation des perches : 6 heures pour une personne.
- fabrication du traîneau : 4 heures pour une personne.
- préparation des lames (environ 120 lames pour une sélection finale de 80 armatures, soit 4 à 5 grand nucléus à préparer et à débiter) : 16 heures pour une personne.
- préparation de la colle, collage des armatures, nettoyage : 8 heures pour une personne.
Soit un total de 34 heures, à peu près une semaine de travail pour 1 personne.
Un très-très grand merci à Marie Wagner du Parc des Lilas pour nous avoir fait confiance, à Guillaume Huitorel, initiateur de ce projet, à l'association Couleur Lilas - Isis Bertheau et Émilie Coudert - pour leur aide et leur disponibilité. Il ne faut pas oublier celle sans qui tout cela n'aurait pas été possible, l'ânesse Nikita, pour sa patience et son engagement !
Bibliographie sommaire :
ANDERSON, P.C., WHITTAKER, J.C. 2014. Blades, sickles, threshing sledges and experimental archaeology in northern Mesopotamia, In : VAN GIJN, A., WHITTAKER, J.C., ANDERSON, P. (Ed). Explaining and exploring diversity in agricultural technology. Oxbow Books 2014.
KHEDHAIER, R., VERDIN, P., FURESTIER, R., LEMERCIER, O., MÜLLER, A. 2003. Dépiquage au tribulum au Néolithique final dans le Sud-Est de la France. Indices convergents de la tracéologie et de l'analyse des phytolites. Le cas du site de Forcalquier-La Fare (Alpes-de-Haute-Provence). In : ANDERSON, P.C., CUMMINGS, L.S., SCHIPPERS, T.K., SIMONEL, B., (dir.). Le traitement des récoltes : un regard sur la diversité, du Néolithique au Présent. 23èmes Rencontres Internationales d'Archéologie et d'Histoire d'Antibes, Éditions APDCA, Antibes, 2003.
ROUX, P. 2015. Moisson, battage, vannage, stockage des céréales aux périodes protohistoriques et antiques dans le monde égéen : histoire des techniques. Thèse de doctorat, Université de Paris I, France.
PICHON, F. Une moisson expérimentale de céréales, Séranon (août 2016), ArchéOrient-le blog, 14/10/2016, [en ligne] https://archeorient.hypotheses.org/6667.